mardi 12 février 2013

mardi 12



12/1/13
Lu hier cette phrase attribuée à Henri Cartier-Bresson:
« La photo appartient au domaine de l’immédiat, le dessin à celui de la méditation ».
Magnifique et si juste.
Une « idée » ce matin en conduisant :
« la photographie c’est la poésie de l’instant, le dessin le poème d’un moment ».
Un peu (beaucoup) plagiat, mais ce qui me plaît c’est d’ajouter le mot « poésie ».

Aujourd’hui imprévu.
On ne sait jamais exactement d’où vient l’Imprévu. Aujourd’hui il sort du téléphone.
Mon appareil est fou.
Par la magie des réseaux à bascule, il est traversé d’appels intempestifs qui n’ont rien à voir avec mon poste. Le sens est alternatif. Appels internes. Appels externes. Monsieur X cherche à joindre Madame Y, mais cela sonne chez moi. L’Extérieur appelle Madame Z, mais cela sonne chez moi. Un apprenti sorcier aura joué avec les relais. Aura mélangé les fils, histoire de voir ce que ça fait. Pour rire.
Quand la sonnerie de l’Imprévu se met en route, je regarde l’écran, pour savoir qui appelle qui.
Car on ne peut pas deviner.
L’imprévu dans l’Imprévu serait que le prochain appel soit, finalement, pour moi.
Mais cela ne se bouscule pas.
Quelqu’un d’autre reçoit sans doute les communications qui me sont destinées, et comme moi, joue à l’absent. Par accord tacite, l’inconnu et moi laissons la technique se débrouiller avec elle-même et tous ses câbles emmêlés.
Nous voilà tous les deux les morts du téléphone.


Conte de février, pour au clair de la plume.

La petite fille s’éveille, ouvre les yeux et observe la pièce autour d’elle. Peu à peu, elle reconnaît les lieux. La cheminée, la fenêtre à rideaux blancs donnant sur la rue, le grand lit moelleux où elle est allongée, l’immense armoire à glace campée en face du lit, avec ce vaste miroir où l’on peut se voir couché. Se faire des grimaces, ou des sourires. Ou croire qu’on est deux, dans cette chambre à la fois spacieuse, subtilement étrangère et rassurante.
La petite fille regarde son reflet dans l’armoire.

La sieste n’est pas terminée, aucun bruit ne filtre dans la maison, même la rue semble parfaitement calme. Seul le gros réveil gris métallique chuchote son éternel tic-tac.
La petite fille se lève, marche sur la pointe de ses pieds nus, ouvre la porte de la chambre. S’arrête quelques secondes. Écoute. Vérifie. Le plancher en bois n’a pas craqué.
Elle descend l’escalier sombre en bois, marche après marche.
Sa menotte ouvre précautionneusement la porte du bas, tournant lentement la poignée de porcelaine. Puis la petite fille jette un coup d’œil dans la cuisine. Rien ne bouge.
Elle regarde l’horloge à balancier suspendue au mur, celle qui compte le temps avec de grands « cloc ».
Ses grands-parents se reposent dans l’arrière-cuisine.
Pour ne pas les réveiller, sans refermer la porte de l’escalier, elle traverse en courant et sans bruit la cuisine au carrelage froid, puis la véranda brûlante qui ouvre sur le jardin.
Quand elle pénètre dans la cour, le sol en briques lui paraît dur, elle s’engage sur la petite pelouse, foulant l’herbe mouillée qui rafraîchit ses pieds.

Elle contourne les poteries de terre cuite, qui lui tendent leurs bras de géraniums, elle frôle leurs bouquets de fleurs roses, s’approche du petit bassin carré où flottent des araignées d’eau.
La voici maintenant qui grimpe sur la chaise du grand-père, oubliée au bord du jardin d’eau.
Dans l’eau, elle regarde son reflet : la petite fille de l’eau lui fait des signes.

Quand elle aperçoit la coccinelle pataugeant maladroitement à la surface, elle se penche vers elle, approche sa menotte pour sauver la petite bête. Mais la bestiole s’enfuit, emportée par le courant de l’eau qui s’écoule.

Subitement, la chaise bascule et la petite fille chavire, elle tombe dans l’eau froide.
Très vite, tout devient glacé et liquide, la petite fille voit de l’eau devant ses yeux, elle voudrait crier mais l’eau grise pénètre dans sa bouche.
Alors elle hurle : « Papa ! »
Quelqu’un, ou quelque chose, la tire violemment par le bras. Elle ne sait pas. Mais cela la sort de l’eau, la remet sur ses pieds.

La petite fille ouvrit des yeux effrayés et regarda à côté d’elle son père qui la secouait. « Allez, réveille-toi ! »
« Papa, j’ai failli me noyer ! »
Le papa observa la petite fille. Tout à coup il éclata de rire.
« Mais non, ma chérie, tu as fait un cauchemar, ce n’est rien ! »
La petite fille insista.
« Si, c’est vrai, je t’assure, j’étais tombée dans l’eau. J’avais plein d’eau dans la bouche ! J’ai crié ! C’est toi qui m’as tirée de là !»

Le papa prit la petite fille dans ses bras et lui dit « Si tu le dis, d’accord, tu es sauvée maintenant. Viens, ma chérie, c’est bientôt l’heure du goûter. Allez, on y va ! »
La petite fille obéit.

Mais dans son cœur, une petite voix lui répétait que la petite fille de l’eau se promènerait sans fin,  autour du bassin carré, dans le jardin mouillé, à la recherche d’une coccinelle, qu’un jour, elle avait perdue.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire