12/1/13
Lu hier cette phrase attribuée à Henri Cartier-Bresson:
« La photo appartient au domaine de l’immédiat, le
dessin à celui de la méditation ».
Magnifique et si juste.
Une « idée » ce matin en conduisant :
« la photographie c’est la poésie de l’instant, le dessin
le poème d’un moment ».
Un peu (beaucoup) plagiat, mais ce qui me plaît c’est d’ajouter
le mot « poésie ».
Aujourd’hui imprévu.
On ne sait jamais exactement d’où vient l’Imprévu.
Aujourd’hui il sort du téléphone.
Mon appareil est fou.
Par la magie des réseaux à bascule, il est traversé d’appels
intempestifs qui n’ont rien à voir avec mon poste. Le sens est alternatif. Appels
internes. Appels externes. Monsieur X cherche à joindre Madame Y, mais cela
sonne chez moi. L’Extérieur appelle Madame Z, mais cela sonne chez moi. Un
apprenti sorcier aura joué avec les relais. Aura mélangé les fils, histoire de
voir ce que ça fait. Pour rire.
Quand la sonnerie de l’Imprévu se met en route, je regarde
l’écran, pour savoir qui appelle qui.
Car on ne peut pas deviner.
L’imprévu dans l’Imprévu serait que le prochain appel soit, finalement,
pour moi.
Mais cela ne se bouscule pas.
Quelqu’un d’autre reçoit sans doute les communications qui
me sont destinées, et comme moi, joue à l’absent. Par accord tacite, l’inconnu
et moi laissons la technique se débrouiller avec elle-même et tous ses câbles
emmêlés.
Nous voilà tous les deux les morts du téléphone.
Conte de février, pour au clair de la plume.
La petite fille s’éveille, ouvre les yeux et observe la
pièce autour d’elle. Peu à peu, elle reconnaît les lieux. La cheminée, la
fenêtre à rideaux blancs donnant sur la rue, le grand lit moelleux où elle est
allongée, l’immense armoire à glace campée en face du lit, avec ce vaste miroir
où l’on peut se voir couché. Se faire des grimaces, ou des sourires. Ou croire
qu’on est deux, dans cette chambre à la fois spacieuse, subtilement étrangère
et rassurante.
La petite fille regarde son reflet dans l’armoire.
La sieste n’est pas terminée, aucun bruit ne filtre dans la
maison, même la rue semble parfaitement calme. Seul le gros réveil gris
métallique chuchote son éternel tic-tac.
La petite fille se lève, marche sur la pointe de ses pieds
nus, ouvre la porte de la chambre. S’arrête quelques secondes. Écoute. Vérifie.
Le plancher en bois n’a pas craqué.
Elle descend l’escalier sombre en bois, marche après marche.
Sa menotte ouvre précautionneusement la porte du bas,
tournant lentement la poignée de porcelaine. Puis la petite fille jette un coup
d’œil dans la cuisine.
Rien ne bouge.
Elle regarde l’horloge à balancier suspendue au mur, celle
qui compte le temps avec de grands « cloc ».
Ses grands-parents se reposent dans l’arrière-cuisine.
Pour ne pas les réveiller, sans refermer la porte de
l’escalier, elle traverse en courant et sans bruit la cuisine au carrelage
froid, puis la véranda brûlante qui ouvre sur le jardin.
Quand elle pénètre dans la cour, le sol en briques lui
paraît dur, elle s’engage sur la petite pelouse, foulant l’herbe mouillée qui
rafraîchit ses pieds.
Elle contourne les poteries de terre cuite, qui lui tendent
leurs bras de géraniums, elle frôle leurs bouquets de fleurs roses, s’approche du petit bassin carré où
flottent des araignées d’eau.
La voici maintenant qui grimpe sur la chaise du grand-père,
oubliée au bord du jardin d’eau.
Dans l’eau, elle regarde son reflet : la petite fille
de l’eau lui fait des signes.
Quand elle aperçoit la coccinelle pataugeant maladroitement à
la surface, elle se penche vers elle, approche sa menotte pour sauver la petite
bête. Mais la bestiole s’enfuit, emportée par le courant de l’eau qui s’écoule.
Subitement, la chaise bascule et la petite fille chavire,
elle tombe dans l’eau froide.
Très vite, tout devient glacé et liquide, la petite fille
voit de l’eau devant ses yeux, elle voudrait crier mais l’eau grise pénètre
dans sa bouche.
Alors elle hurle : « Papa ! »
Quelqu’un, ou quelque chose, la tire violemment par le bras.
Elle ne sait pas. Mais cela la sort de l’eau, la remet sur ses pieds.
La petite fille ouvrit des yeux effrayés et regarda à côté
d’elle son père qui la secouait. « Allez, réveille-toi ! »
« Papa, j’ai failli me noyer ! »
Le papa observa la petite fille. Tout à coup il éclata de rire.
« Mais non, ma chérie, tu as fait un cauchemar, ce
n’est rien ! »
La petite fille insista.
« Si, c’est vrai, je t’assure, j’étais tombée dans
l’eau. J’avais plein d’eau dans la bouche ! J’ai crié ! C’est toi qui
m’as tirée de là !»
Le papa prit la petite fille dans ses bras et lui dit
« Si tu le dis, d’accord, tu es sauvée maintenant. Viens, ma chérie, c’est
bientôt l’heure du goûter. Allez, on y va ! »
La petite fille obéit.
Mais dans son cœur, une petite voix lui répétait que la
petite fille de l’eau se promènerait sans fin, autour du bassin carré,
dans le jardin mouillé, à la recherche d’une coccinelle, qu’un jour, elle avait
perdue.
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