mardi 31 décembre 2013

Jour des cuivres



31/12/13
Aujourd'hui, jour des cuivres.
C'est ce que m'a dit D, en me voyant frotter avec entrain mes "vieilleries" en laiton.
Vieilleries? Mes "trésors"!
(la suite ici )

lundi 23 décembre 2013

Sous la grand'porte



23/12/13
Je vais mieux. J'ai dormi.
Je redresse la tête.
Aujourd'hui j'ai écrit "sous la grand'porte".
C'est  ici

samedi 14 décembre 2013

Rose de Noël

14/12/13
Rose de Noël
Lève-toi vite
Je me languis de ton parfum d'étoile
Mon étincelle des matins tristes
Hâte-toi je t'attends
Nous rêverons ensemble de l'aube du printemps


Chaque matin je regarde le pied d'Hellébore à côté de ma porte. Je guette les gros boutons blancs qui s'allongent, se gonflent lentement. C'est drôlement long à préparer, une Rose de Noël. 
Alors j'attends.

lundi 9 décembre 2013

La Masquarade



9/12/13

Lundi matin. Retour au bureau : dépouillement de la messagerie. Une fois éliminés tous ceux qui ne servent à rien, et ils sont nombreux…il me reste deux messages : l’un hiérarchique (instruction administrative ministérielle), l’autre syndical. Les deux sont nantis de pièces jointes « .pdf ».

Je commence la lecture du pamphlet syndical et je bute au troisième paragraphe, « parsemé » (soyons sympas avec les camarades) de fautes d’orthographe. Parfois lourdes : « masquarade » par exemple. Eh oui, en voilà une idée, c’est une fête où l’on porte des masques, n’est-ce-pas ? Faute voulue, peut-être ? Puisqu’il s’agit de qualifier une réunion de consultation entre l’administration et les représentants syndicaux ?
Bien sûr, car tout le monde joue un rôle dans cette pièce de théâtre-là…
Inévitable ; premier décollage du sens : je cherche les fautes jusqu’au bout de la feuille de chou. A la fin de la page, j’ai oublié le sens du tract.

Passons aux choses sérieuses. Le texte ministériel est moins drôle mais pas exempt de fautes non plus. Ici, manque un trait d’union, là, un s fut oublié (quand même). Sur le fond, il me faudra supporter le style ampoulé, les circonvolutions, accepter sans ronchonner...les répétitions de mots d’une ligne à l’autre. Je tourne en rond. Au secours : qui a relu cette annexe de l’instruction ? Un correcteur automatique bricolé ? Personne ?
Impossible de résister : je piste à nouveau les fautes sur l’ensemble du texte. Il me faudra relire le tout après correction, car à ce petit jeu-là, le sens de l’instruction m’échappe, à supposer qu’il existe …
Reconnaissons néanmoins au texte officiel un bien petit nombre d’erreurs. Un rien ou presque, quelques coquilles, des peccadilles. A peine de quoi satisfaire mon esprit pointilleux. Quant au concours de lourdeur et longueur des phrases, aussi vides de sens qu’alambiquées, celui-ci me semble gagnant.
Quoique.
La langue de bois, vous connaissez ?
C’est pourquoi, sans doute, j’ai tant aimé la « masquarade ».

mercredi 4 décembre 2013

Fantômes



4/12/13

D'abord évoquons ceux que l'on rencontre partout, perchés dans nos arbres généalogiques. Internet nous les propose en maints exemplaires, retrouvés ou recopiés, voire copiés collés, peut-être pistés, que sais-je? L'immense réservoir des données personnelles de nos aïeux s'ouvre lorsqu'on actionne les mots magiques, et cela me fascine. Surgissent de l'inconnu, du magma numérique, plusieurs de mes ancêtres, nommés, datés. Le tampon encreur les estampille: les voici nés, mariés, morts, ici et là, puis là encore, partout. Fini, l'anonymat.
Que font-ils donc là, rassemblés, identifiés, désignés, cités et répétés sur mon écran du XXIème siècle? Et pourquoi? Qui s'est intéressé à eux ? Que leur vouliez-vous?
Cependant impossible de résister...Fébrilement, je note, je vérifie, je contrôle. Puisque d'autres chercheurs les ont extirpés des temps oubliés, parce que ce sont mes ancêtres à moi, oui, les miens, alors il faut que tout soit juste, s'il vous plaît. Toute faute est insupportable: aucune erreur ne sera admise.

Mais d'autres restent somptueusement discrets. Secrets. Absents. Ils n'existent pas dans l'univers binaire: les mots magiques ne déclenchent aucune porte, et Internet persiste à me dire qu'il n'y a personne au nom que vous avez demandé. Nul ne les a réveillés, ils dorment encore tout au fond de nos mémoires.
Ces êtres fantômes m'intriguent par-dessus tout. Je ne possède qu'un nom et un prénom, parfois incertains, souvent déformés. Ils furent là, il y a bien longtemps, nul ne sait leur histoire, nul ne les a sortis de l'oubli...c'est à moi de leur offrir cette étrange renaissance dans nos gigantesques bases de données.
Puisqu'ils se cachent, pour les débusquer je peaufine. Je bâtis des hypothèses, je croise les données. Impossible de se borner à ne suivre qu'une ligne précise, à tracer "bêtement" le chemin direct de la dixième ou onzième génération jusqu'à la mienne: j'étoffe, je reconstitue les familles. Il me faut les fratries, j'étudie les cousins. Un remariage survient...et les enquêtes se multiplient.
Tous ces fantômes-là guident ma route, étonnante et imprévisible. Ils me tirent en avant. Quelques-uns ont laissé au bord de leur chemin, quelques petits cailloux blancs, qu'il faut savoir distinguer dans le brouillard du temps.
Oui, me voici prisonnière, à la fin du XVIIème, quelque part en Bourgogne, à la poursuite des ancêtres invisibles.

lundi 18 novembre 2013

Lettre à "Monsieur"



18/11/13
Cher « Monsieur »
Voulez-vous que je vous raconte une histoire ?
Souvenez-vous, c’était hier, cette randonneuse en veste rouge, qui contrecarra vos projets mais que vous méprisez assez pour ne pas lui adresser la parole.
Lundi, c’est moi qui prends la plume, pour vous conter ce que vous refusez d’entendre.

Hier matin dimanche, j’eus envie de marcher, tout simplement, autour de mon village. Partir de chez soi, tout chaussé, revenir boueux, crotté mais content, ignorer l’auto pour cette fois. Un petit itinéraire nommé Haute Vallée du Dan me tendit les bras. Quel joli nom pour un chemin sans prétention, sans histoire.
Sans histoire ?
C’était oublier les soldats du dimanche qui sillonnent les plaines, espionnent l’ennemi derrière les haies, ratissent les champs de betteraves.
Je sais bien que vous en faites partie, « Monsieur », mais j’éviterai l’hypocrisie : je vous l’avoue, je n’aime pas ces gens-là. Ils m’irritent, me dérangent, leurs coups de feu répétés brisent la tranquillité de la campagne, sèment la terreur parmi la faune. Amoureux de la nature et contemplatifs de tout poil, n’espérez plus entrevoir le moindre lapin ou oiseau des plaines lorsque ceux-là sont de sortie. A vélo ou à pied, j’ai presque aussi peur d’eux que la moindre petite bête tapie dans son trou de terre.

Dans les environs d’une bâtisse ancienne plutôt imposante (que vous connaissez bien, « Monsieur »), mon petit chemin pourtant bien tracé sur la carte se trouva subitement interrompu par un passage enfoui sous les ronces.
Je longeai alors sans inquiétude l’ancien chemin en marchant tout au bord d’un champ, en légère montée, suivant la trace évidente de piétons probablement aussi décontenancés que moi par l’état du vieux chemin.
Je ne les vis qu’une fois passé le petit sommet. Ils étaient deux. J’approchais lentement, paisiblement, sans crainte. Mais l’un d’eux vint vers moi, fusil en main, alors que l’autre sembla s’éloigner et détourna la tête.
L’homme jeune, trente ans, bien habillé, en tenue de chasse cossue, s’adressa à moi :
« Bonjour. Je suis le garde-chasse de Monsieur. Il ne faut pas passer ici, car Monsieur ne veut pas, vous savez, on voit tellement de gens partout, des motos, des autos etc.»
Moi : « D’accord, mais c’est dommage, j’ai un itinéraire de randonnée qui passe par ici, et le chemin est impraticable ». Je brandis mon topo.
Lui : « Oh le chemin ça fait des années qu’il n’existe plus »
Moi : « Écoutez, il me semble pourtant que je ne fais pas beaucoup de dégâts. Je ne suis ni une moto ni un quad. »
J’ai continué mon chemin. Sans autre amabilité de part et d’autre.
J’aurais sans doute dû m’excuser. Car j’étais de toute façon dans mon tort, persona non grata marchant dans une propriété privée.

Mais je n’ai pas eu envie d’être aimable, ni avec vous, « Monsieur », qui ne me parlez pas, ni avec le garde-chasse de « Monsieur ». Ni coupable, ni repentante.
J’ai rejoint quelques mètres plus loin le chemin de randonnée balisé, estampillé GR, sur lequel j’espérais ne plus rencontrer de sbires armés ni désagréables.
J’ai surveillé encore un moment les silhouettes de ces deux-là, traversant et piétinant sans vergogne tous les champs cultivés de « Monsieur » sans que nos chemins se croisent.
Mais quelques mètres plus loin, les hostilités reprirent.
Longeant le bois du P, je vis d’abord une bestiole apeurée surgir d’un champ de maïs desséché. L’animal bondissait plus qu’il ne courait et je crus à un lièvre affolé. Mais il s’agissait d’une biche traquée, courant en tous sens au sortir du champ, se trouvant brutalement à découvert, ne sachant où se diriger.
Elle aperçut ma veste rouge sur le chemin et obliqua aussitôt sur sa gauche pour disparaître dans les fourrés inextricables du petit bois du P.
Bonne idée, pensai-je, ils auront du mal à te débusquer là-dedans. Sauf si leurs chiens sont bons chasseurs, de vrais limiers.
Quelques secondes plus tard plusieurs coups de feu étaient tirés …dans le champ de maïs. Inquiète j’osai à peine poursuivre mon chemin, mais un vélo providentiel apparut, imperturbable, roulant sur le GR sans se poser de question…je lui emboîtai le pas. 


Si vous saviez, « Monsieur », combien il me plut alors d’observer ce chasseur, remontant avec une application laborieuse l’intérieur du champ de maïs, en compagnie de son chien fort excité, alors que la biche leur avait depuis longtemps et habilement faussé compagnie…
Pardonnez-moi « Monsieur », mais je suis si heureuse d’avoir perturbé votre chasse, la vôtre ou celle d’autres qui vous ressemblent. Et qu'une biche peut-être soit encore sauve ce lundi.
Une fois n’est pas coutume.
Oserai-je vous dire que si c’était à refaire, je le referais ?
Je vous souhaite une bonne journée, « Monsieur ».