10/9/13
D’un nom à l’autre
Au travail, je suis fréquemment confrontée à la question du
nom, surtout celui des femmes. Car celles-ci changent de nom. Dans l’univers
binaire de nos ordinateurs, quelle drôle d’idée !
On se perdait déjà dans les paperasses. Entre le nom de
jeune fille, le nom patronymique, le nom d’usage, le nom marital, etc. la femme
change de nom, parfois plusieurs fois dans sa vie. « Comment vous
appelez-vous ? » Pas toujours facile de répondre !
Lors du mariage, certaines adoptent avec plaisir le nom du
mari, souvent pour faire comme les autres. Ou combinent le leur avec celui de
l’époux, histoire de contenter tout le monde.
Plus tard, si un divorce survient, quelques-unes préfèrent
garder ce nom étranger qu’elles avaient emprunté, mais la plupart n’ont qu’une
hâte, retrouver partout leur vrai nom, cherchant à effacer ce traumatisme
d’adulte. Nouveau changement de nom…
Nos outils informatiques s’y égarent, la plupart construits
autour d’adresses électroniques, presque toujours bâties sur nos noms et
prénoms. Les machines s’affolent : comment retrouver des individus qui
changent d’identifiant ? Elles préfèrent additionner des clones de la même
personne, dans l’impossibilité qu’elles se trouvent de changer ce qui, d’après
elles, n’est pas modifiable. Pire, elles combinent parfois l’ensemble et
s’entortillent elles-mêmes dans ces imbroglios.
J’observe avec un peu d’amusement qu’en dépit de nos « progrès
informatiques », dans la pratique, le méli-mélo des noms se poursuit.
Mais le plus étonnant est la résurgence des noms fantômes.
Ainsi, bizarrement certes…une collègue a changé à la fois de
nom et de prénom. Un collègue écrivit pour nous l’annoncer, cette phrase
stupéfiante « Alice Martin devient Catherine Leroy ». (Note :
noms et prénoms changés) A cette époque, je crus qu’une personne avait
simplement pris le poste d’une autre…Il n’en était rien.
La machine n’oubliant pas tout, Catherine Leroy se plaint
aujourd’hui que tout en effectuant des saisies informatiques sous son nom
actuel, l’écran affiche, quelquefois, « Alice Martin » histoire de
remuer les vieux souvenirs enfouis.
Je n’ai pas posé de question à Catherine Leroy, il m’a
semblé que derrière sa plainte se cachait une demande forte, une chose importante,
un droit à l’oubli, justement.
Pour moi qui n’ai changé que de nom, une feuille fiscale
s’obstine à me rappeler annuellement mon ancien nom d’usage, abandonné depuis
presque vingt ans…et ce, malgré mes réclamations renouvelées. Une autre feuille
fiscale s’adresse à moi d’autorité sous un nouveau nom d’usage, suite à mon
second mariage …et ce, malgré mon application à n’inscrire que le seul nom
qui soit le mien, celui qui me fut donné lorsque que je suis née….
Qui suis-je ?
Les résurgences et les usages imposés ne sont pas si bénins
qu’on pourrait le croire. Lorsqu’on touche au nom de la personne, est-on si
loin de la personne elle-même ?