jeudi 14 février 2013

jeudi 14



14/2/13
Et ce matin S me salue, le bras levé, l’air conquérant. Du sourire plein les yeux, toutes les lézardes d’hier effacées. Je la questionne : « ça marche ? » Elle déclare, non sans aplomb: « Oui ! Un jour de plus, un jour de moins. Tu sais pourquoi ? Un jour de plus pour ce que tu sais, un jour de moins pour mon départ en voyage. Que du positif ! »
Elle repart, toute joyeuse, en balançant le corps. Tout en elle crie la victoire.
Pourvu que ça dure.

Réminiscence.

Je suis une toute petite fille, dans le métro avec ma grand-mère. Je l’appelais Mémé. Je l’aimais beaucoup, ma Mémé.
Est-ce le jour où nous sommes allées voir ensemble « Jour de Fête » dans un cinéma des boulevards, pendant lequel j’ai tant ri ?
Ce jour-là, nous sommes debout dans le métro, au voisinage des Boulevards, dans la foule, les gens sont tassés. A côté de moi, il y a des hommes, ma grand-mère n’est pas à côté de moi.
Je sens une main se glisser sous ma jupe, caresser mes cuisses, atteindre la culotte. Je n’ose rien dire, je suis paralysée par la peur. Puis j’essaie de me déplacer légèrement, d’observer autour de moi mais je ne peux savoir d’où vient ce geste honteux. La chose insiste. Recommence.
Il y a trop de monde, je ne peux pas bouger. L’angoisse me monte à la gorge.
Puis, profitant du déplacement d’une autre personne, je me glisse, parviens à m’éloigner de cette main anonyme et baladeuse.
Je n’oserai rien dire, ni à Mémé, ni à mes parents. Et cela reste là, comme une grosse boule au fond de ma gorge.

Cette histoire, profondément enterrée au fond de mes souvenirs, a réapparu à la lecture de « Porte de Champerret » La narratrice a rencontré une mésaventure analogue, mais beaucoup plus violente, d’autant plus menaçante qu’elle se déroule dans l’escalier de son immeuble. Elle non plus n’a jamais rien dit.
Pourquoi ? Pourquoi les petites filles taisent-elles à leurs familles ces terribles gestes qu’elles savent interdits et obscènes ? De qui, de quoi ont-elles peur ? De l’auteur qui les a proférés, ou d’être grondées ?
Trop insupportables pour seulement être dits, elles les enfouissent au creux de leurs mémoires. Plus tard, lorsque le temps est venu d’interroger le passé, lorsque des similitudes ravivent les vieilles blessures, les mots jaillissent.
Et les enfants devenus grands découvrent qu’ils n’ont rien oublié de cette chose immonde qu’ils n’ont jamais partagée.

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