dimanche 3 mars 2013

dimanche 3



Visite impromptue au manoir de C.

Arrivé à C., on le trouvera caché derrière l’église et le cimetière, eux-mêmes situés au bout d’un chemin de terre, dans une zone boisée, invisibles de la route principale du village. Ainsi, dès l’entrée, le lieu semblera mystérieux, abrité des regards.
A l’approche du manoir, la vue de l’un des pignons deviendra rapidement affligeante, les anciennes fenêtres paraissant couvertes d’un immonde papier gris, peut-être un feutre bituminé, pour masquer l’intérieur. On devinera un lieu abandonné, livré à la décomposition des choses.
Plus loin on apercevra, vu de côté, un escalier d’entrée, autrefois délicieusement romantique, et une porte ouverte.
Barrant l’accès, une haute grille verte cadenassée, décourageante.
En observant au-travers des feuillages, on découvrira que le manoir s’entoure de douves, qui, sans être remplies d’eau, paraissent suffisamment profondes pour que l’on puisse s’y noyer, et sont bordées d’arbres dressés ou écroulés en tous sens, dans un savant désordre sauvage.
Peu à peu les environs se révéleront puissamment clôturés, les côtés de la grille d’entrée s’appuyant sur des barres de fer pointues.
On pensera que l’on n’a pas hésité sur les moyens pour rendre le lieu hors de portée des curieux. 

Le manoir ressemblera ainsi à une île inaccessible, emprisonné dans une double gangue de fossés et de clôtures infranchissables, condamné à se refermer et à s’effondrer sur lui-même.

Mais le plus frappant restera, au milieu du silence, le bruit de l’eau. Ce ne sera pas le bruit d’un ruisseau qui chante, mais un son résonant, le bruit de l’eau qui coule dans quelque chose, qui s’introduit dans un espace clos.
Surgira alors cette impression sournoise que l’eau des douves pénètre dans le manoir, qu’elle s’insinue dans des caves, des entresols devenus marécages, s’infiltre dans les murs, monte à l’intérieur de boiseries et de plâtres en poussière, et qu’une pourriture liquide envahit la bâtisse entière, dans un lent et inéluctable engloutissement.

On se demandera alors si la destruction du manoir par lui-même n’a pas été choisie, en guise de punition d’un lieu abhorré.
Nous ne reviendrons pas visiter le manoir de C.

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