01/03/13
La mort d’une gomme.
Elle n’avait jamais beaucoup servi, finalement. Lorsqu’elle
fut neuve, un jour lointain du vingtième siècle, la préhistoire donc, elle
arborait sûrement de jolies couleurs, un côté rouge pour le crayon, un côté
bleu pour l’encre. Car à cette époque, on gommait l’encre. Ce côté bleu, plutôt
rugueux, parvenait en un rien de temps à trouer le papier, mais c’était réussi
puisque l’encre aussi était partie. Tout en parsemant la table de déchets
bleuâtres, grisâtres et noirâtres, une vraie mocheté. Quant au côté rouge
il convenait remarquablement bien pour laisser des traces rougeâtres
indélébiles sur le papier blanc, sans enlever totalement les marques du crayon
de bois. La table et la main récupéraient des fragments brunâtres et mous qui
collaient au support. Un cauchemar.
Je n’ai jamais compris comment on pouvait utiliser ces
gommes.
Peut-être eût-il été préférable de s’en servir pour autre
chose ?
Je resterai encore un moment ignorante sur le sujet, car lorsque
je l’ai retrouvée l’autre jour, noircie de n’avoir jamais rien gommé de sa vie,
je l’ai balancée illico presto dans la poubelle, une mise à mort brève et sans
douleur.
Ceci était un exercice de style.
Premier du genre dans le livre « libérer son écriture »
de P Perrat.
Ou comment s’apercevoir que l’on fait partie des
quatre-vingt dix-neuf pour cent de personnes dont l’imagination est en berne.
(mais je le savais)
(et c’est pour ça que je lis le livre…)
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