14/4/14
J comme Jeu. Ou J comme Je.
Parlons du Jeu, d’abord. Celui que je soupçonne autour du
petit pré d’Hermanville, à propos de ce chien-momie…Je suis retournée par là,
comme ça.
Je n’avais pas du tout envie de retrouver l’animal, mais
c’est encore lui qui m’a intriguée. Presque hélée.
J’ai vu, je suis passée, et j’ai fait demi-tour pour
vérifier ce que mes yeux et mon cerveau m’avaient communiqué.
Oui, l’animal trônait toujours sur la pelouse, avec son poil
mité, avec ses yeux qui n’étaient plus seulement morts, mais crevés.
Mais le plus bizarre, c’était les plumes. Attachées dans sa
gueule, un groupe de grandes plumes blanches plantées en travers. Idem à la queue. Tout cela
ligoté avec de la ficelle bleue, vous savez, de la ficelle à ballots de paille.
Non, cette chose bizarre n’est ni oubliée, ni abandonnée, on
vient même l’ornementer. Pourquoi ? Cet épouvantail possède probablement
un rôle, celui d’effrayer quelque animal, voire quelqu’un ?
Ou s’agit-il d’un jeu étrange ? Car quel animal
croirait voir ici un congénère, habillé de cet absurde bouquet de plumes planté
sur sa queue ?
Un vieil homme est passé, sur son vélo, pendant que je
dévisageais l’objet.
Il m’a semblé lire dans ses yeux une sorte d’amusement, un
peu narquois. Est-ce cet homme qui joue à intriguer les passants ? Est-ce
le fruit de mon imagination ?
J comme Je.
2014 est une année particulière pour moi. Il me semble que
j’ose enfin m’affirmer, au lieu de douter, sans arrêt. Au lieu de m’effacer, de
perdre confiance en moi à la moindre anicroche. Par exemple, voici quelques
semaines, je me suis lancée dans une activité bénévole de donneuse de voix. Il
s’agit de lire et d'enregistrer des livres, pour des personnes aveugles.
Et c’est étonnant, c’est nouveau comme ils disent
(mais là, c’est exact !) car je suis d’ordinaire bien silencieuse, lorsque
je me trouve dans un groupe. On ne m’entend pas, car j’écoute les autres.
Partout. On me dit sérieuse, réservée, discrète. Évidemment. Les autres
prennent toujours tant de place…Connaissent-ils seulement le son de ma
voix ?
Lorsque je lis un livre pour un auditeur inconnu, c’est bien
ma voix qu’il entendra. Pas une autre…Curieusement, cette situation me fait
découvrir à moi-même ma propre voix. Eh bien, moi, je la trouve pas mal,
finalement, cette voix. Je suis plutôt contente de moi, et ça change !
J comme Je.
D’ailleurs, à l’issue du test de donneur de voix, ma voix a
été acceptée aussitôt, mais on m’a suggéré, ou demandé d’accélérer le rythme.
Car je serais un peu lente. Nouvelle anicroche. J’ai tourné et retourné cette
critique dans ma tête, cette difficulté de lenteur pour, au bout de mes
interrogations, rendre mon enregistrement, lent comme il doit être, en prenant
les devants sur la question du rythme. J’ai dit : « Vous trouverez
peut-être cela un peu lent. J’ai fait de mon mieux. Mais ce n’était pas
possible d’aller plus vite, cela n’aurait pas eu de sens, pour un livre tel que
celui-là ».
Une façon de dire : « C’est lent, mais j’ai raison
d’être lente. Je ne vais pas lentement parce que je ne peux pas aller plus
vite, mais parce que c’est ainsi que je veux et que je dois le lire »
Je crois que je grandis, enfin.
J comme Je.
Petite discussion avec D sur le sujet. Il prononce cette
phrase mémorable:
"Si quelqu'un vous dit ce qu'il a vécu, comment
pourrait-il ne pas vivre ce qu'il vous en dit?
J'ai applaudi.
NB : je viens d’acheter un livre de P. Pelot. Le
titre : « Elle qui ne sait pas dire je ».
K comme Kapuściński
Copie rendue à la bibliothèque sonore : ma première
lecture, Porte de Champerret.
J’ai proposé, pour la suivante, durant cet été, Ébène, de Ryzsard
Kapuściński. L'idée m’est venue comme ça, une sorte de flash, évident, immédiat,
indiscutable. J’avais tant aimé le livre.
Idée adoptée aussitôt, zéro discussion. Reste à trouver
comment prononcer Kapuściński …
24/4/14
L comme ML…
Pas très inspirée ces temps-ci. Petite discussion avec ML.
Dont j’ai envie de me souvenir.
Nous évoquons les pots de retraite des collègues, toujours
plus nombreux à nous quitter. ML juge ces petites cérémonies agaçantes parce
que peu sincères. Pas assez. On enjolive, on fait abstraction des erreurs, des
coups tordus. Trop, à son goût. Il dit que les gens arrivent à la retraite sans
avoir rien compris. N’ont pas tiré la leçon.
Il dit : ils ont fait un tour complet, mais maintenant
il faudrait qu’ils recommencent.
Quand il dit cela, il pense aussi à ses parents, âgés.
Mais de quelle leçon parle-t-il ?
Alors il parle des ballots de paille.
Cette expérience d’apprentissage de la conduite dans des
conditions difficiles. Une piste étroite circule entre des ballots de paille.
La première fois, tous les stagiaires percutent les ballots de paille. Ensuite
le moniteur leur dit : vous allez reprendre la piste, mais vous ne
regarderez que la piste devant vous, pas les ballots de paille. Et ça marche.
Ils regardent droit devant eux. Ignorent les obstacles. Et
tous réussissent.
Son histoire me trouble. Il me semble que depuis le début je
n’ai vu que les ballots de paille.
Il parle aussi du cadre. Ce qu’il a retenu d’un stage
portant sur l’animation de groupe. Une seule chose. Quand on anime une réunion,
une formation, il faut définir un cadre. Il y a les propos dans le cadre, et
ceux hors cadre. On se prépare à tout ce qui est dans le cadre, mais on n’a pas
besoin de répondre à tout le reste, ce qui est hors cadre. Il faut donc accepter
qu’il y ait les deux, dans une séance collective. Mais discerner aussi rapidement
où se trouve chaque élément apporté par le groupe, pour éviter de se perdre
dans des dédales inutiles, et surtout ne pas rater une interrogation
importante, une confusion de fond, un levier de compréhension.
J'aime parler avec ML.
29/4/14
M comme Mémoire
Autour de moi, la mémoire est un éternel sujet de
conversations, et surtout de lamentations. Nous vieillissons tous. Nous
radotons. Et nous perdons la mémoire. Untel oublie les prénoms ? Moi-même,
je cherche des noms de collègues, de lieux. Je mélange des époques, j’hésite.
Je dois reconstituer l’histoire pour identifier un séjour de vacances vieux de
dix ans, voire moins. Puisque le processus semble s’accélérer depuis un an ou deux,
j’ai voulu prendre le contrepied de cette sournoise dégradation. Comment ?
En reprenant des études. Car pour garder la mémoire, il faut travailler,
s’exercer sans relâche. Comme le sport, comme la musique. J’ai donc
repris des études de latin. Quoi, une langue morte ?
Nous préférons dire une langue « ancienne ».
Et pour quoi faire ? Elle me servira à décrypter de
vieux textes rédigés en latin, pas toujours disparu après l’ordonnance de
Villers-Cotterêts. Et puis le latin, c’est souvent presque du français. Du
vieux, et aussi du neuf, en comparaison des anglicismes qui nous envahissent.
Des néologismes ; des mots moches. Pour le plaisir de la langue, donc.
Pendant cette première année, l’étude ne m’a pas semblé bien
difficile…mis à part le vocabulaire qu’il faut apprendre par cœur. Car c’est
bien là que le bât blesse. J’apprends, j’apprends, mais j’oublie encore mieux
qu’avant. Ma dernière recette consiste à écrire en vrac sur une feuille de
papier tous ces « vilains » mots que j’ai oubliés. J’espère que cela
va marcher.
Car ça urge. Le partiel c’est le 9 mai… et ça je ne l’oublie
pas.