jeudi 3 avril 2014

I comme Invisible



03/04/14
I comme Invisible.

La généalogie m’a un peu abandonnée ces temps-ci, ou bien c’est l’inverse, j’oublie mes ancêtres alors que, l’an passé, chaque soir je leur consacrais un moment, les guettant au fil des pages de registres parfois indéchiffrables…Ils sont restés discrets, dans un coin de mon esprit, invisibles par définition.
Sur les chemins d’Internet je rencontre aujourd’hui une blogueuse, qui s’est fixé pour objectif d’écrire l’histoire de ses ancêtres, mais qui s’accroche plus particulièrement à un vrai défi : écrire à propos de ceux dont il y a rien à dire, ceux qu’elle nomme justement les Invisibles.
Il s’agit de ces ancêtres journaliers, manouvriers, même pas laboureurs, personnages obscurs et sans histoire pour lesquels on n’a trouvé aucun élément marquant à raconter à leur sujet. Car ce ne sont ni des nobles, ni des bourgeois, ni des notables, ni des soldats, ni des voyageurs, ni des brigands, ni des enfants trouvés. Rien pour les détacher du reste du monde. De pauvres gens, sûrement, très simples, originaires d’un village, où ils sont restés toute leur vie. On connaît leur lieu et date de naissance, le lieu et la date du mariage, le nombre des enfants nés du couple, le lieu et la date du décès. Et il s’agit donc, presque toujours, du même lieu.
Quasiment tout le monde a des Invisibles dans sa généalogie, mais nul n’en parle. Car quoi dire ?
Pourtant c’est une bonne idée, de vouloir les associer, eux aussi, à l’histoire d’une famille, ces sans-grade. N’en font-ils pas partie au même titre que les autres ?
Ce seront les Invisibles qui donneront le plus de travail au généalogiste obstiné. Pour ramener, peut-être, quelques anecdotes, certes ni glorieuses, ni extraordinaires, mais pittoresques, il faudra probablement étudier de nombreux documents notariés, mener des investigations laborieuses, pour reconstituer, par exemple, leur patrimoine. De quoi s’occuper pendant des mois, voire des années.

Le généalogiste passionné adore une telle montagne à gravir. Car quand il saura tout, que fera-t-il ?
Chez moi, je n’ai que cela, des Invisibles. Ou presque. Un laboureur peut-être, quelques meuniers ou vignerons, un chantre, un facteur, un « mauvais sujet » porté sur la bouteille qui partit en Allemagne pour se faire oublier…et toute une foule de manouvriers. Je peine à trouver là-dedans quelque histoire compliquée. Je note surtout des manques, des trous. Ils ne sont pas seulement Invisibles, ils sont souvent Inconnus.
Je sais qu’il me faudra une autre vie, voire une vie entière, pour rassembler quelques faits particuliers capables d’illustrer leur existence, de la rendre concrète. De donner un peu de couleur à tous ces Invisibles. De peindre une petite touche de bizarrerie dans ce tableau si ordinaire.

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