dimanche 19 janvier 2014

Hiver 1746



19/01/14
Hiver 1746

"Tout est perdu la champagne
est grêlée la bourgogne est gelée
Tout est perdu la champagne est
Tout est perdu la champagne
Tout est perdu la champagne est
Tout est perdu la champagne"
(extrait de registre paroissial, Magny-le-Désert, 1746)

Quoi? Un poème ? Une chanson? Une complainte? Lamentation pour un hiver trop rude ? Celui qui écrivit-ces lignes se trouvait-il exilé dans l'Orne et regrettait-il sa Bourgogne natale ? Ou la Champagne ?
Les chemins de Magny-le-Désert cachent bien des mystères...

samedi 11 janvier 2014

Chemin faisant



11/1/14

Voici que j'abandonne un moment ma chère Bourgogne pour traîner mes sabots dans les chemins boueux des registres paroissiaux de l'Orne, département de Basse-Normandie, limitrophe de celui où j'habite.
Diable, pourquoi ce coin perdu?
C'est une histoire de famille, mais cette fois je délaisse mes péquenots Picards et mes vignerons Bourguignons: occupons-nous de celle de D.
La grand-mère maternelle de D, férue d'histoire familiale, avait déjà écrit un livre à l'intention de ses petits-enfants, reprenant le texte d'un journal intime, puis d'un ensemble de lettres, datées du XIXème siècle, de l'une de ses aïeules, dite "veuve Picot". Elle avait ainsi reconstitué un arbre généalogique fort détaillé pour l'époque où il a été réalisé. Toutes ses recherches furent menées par courrier: le résultat démontre une motivation affirmée et une forte opiniâtreté. A l'appui de ses travaux et de l'imaginaire collectif, la famille se croyait ainsi, pour la branche maternelle Picot, issue du Loir-et-Cher ou de ses alentours, villes de Montrichard, Blois et Loches. Famille bourgeoise: marchands, ecclésiastiques de renom, hommes de loi, médecins. Puisque cela était ainsi depuis la fin du XVIIIème siècle, il ne faisait aucun doute que cela avait toujours été. Depuis l'éternité, en quelque sorte.

Je n'aime pas trop les fêtes de Noël, retrouvailles obligées, libations excessives, cérémonies de cadeaux plus ou moins douteux, et j'en passe. 
Mais celles qui viennent de se terminer ont pimenté l'affaire, grâce à l'ouverture d'une brèche dans les certitudes familiales tacites.
La grand-mère de D avait décidément bien fait les choses. Outre l'arbre généalogique et le livre, elle avait gardé des documents, des certificats, des photos, des faire-part, le tout rassemblé dans un classeur soigneusement conservé par A. la maman de D.
Puisque A n'est plus parmi nous, les classeurs de photos ont accompagné l'une des soirées de ce Noël 2013.
Je me suis plongée, avec un plaisir proche de la délectation, dans celui qui évoquait les ancêtres...et découvert avec stupéfaction les notes complémentaires laissées par la grand-mère, que personne n'avait (vraiment) lues. Ces notes émettaient l'hypothèse d'une origine bas-normande pour la branche Picot, et plus précisément du côté de l'Orne...A cause principalement d'un parrain, marchand, originaire de "Couterne en Basse-Normandie".

Dès mon retour dans mon jardin généalogique, je me suis précipitée sur les bases de données d'Internet pour m'apercevoir ...que la clairvoyante grand-mère avait vu juste.
Dès la fin du XVIIème, la branche Picot est issue de Magny-le-Désert, dans l'Orne, mais ce ne sont probablement pas des bourgeois. Leur condition est difficile à cerner, car les curés des XVIIème et XVIIIème siècles de ce pays restent peu bavards, on pourrait même parler de minimum syndical à leur sujet, voire moins ! Aucune profession n'est jamais indiquée, les bébés qui meurent ne sont pas cités...Les registres, sans être réellement mal tenus, semblent pauvres et tristes, très difficiles à lire, offrent des encres pâlies, des graphies multiples, bousculées, faibles, incertaines... Découragée, je faillis même tout envoyer promener!
Comble de l'étrange; certaines pages qui auraient dû rester blanches, ou ne pas être, contiennent des sortes de fables telles que le morceau choisi numéro un ou numéro deux, celles-ci par contre remarquablement bien écrites et parfaitement conservées. S'agit-il de copies d'extraits de bréviaire, d'exercices d'écriture, de préparations de sermons? Car toutes ces historiettes qui se succèdent sans mention d'auteur ont un fort parfum moralisateur. Chacune a pu faire l'objet d'un sermon lors d'une messe dominicale...
Me voici donc dans un autre monde, bien différent de ceux que j'ai traversés. Il me faudra du temps pour le comprendre, et encore plus de diplomatie pour informer ceux qui se croyaient bourgeois, voire nobles, depuis la nuit des temps ...qu'il n'en est rien.
Je m'amuse à imaginer que certains, aucunement intéressés aujourd'hui à connaître leurs véritables origines, ou se prétendant détachés d'une si futile préoccupation , arboreront une mine déconfite lorsqu'on leur dévoilera que leurs ancêtres furent, comme les autres, de misérables paysans.
Je me trompe peut-être. Il n'empêche, reconnaissons à cette nouvelle facétie généalogique cet avantage intellectuel plaisant de devoir étudier comment un "misérable paysan" devient, au XVIIIème siècle, un "riche bourgeois"!

Morceau choisi numéro deux



10/1/14
Morceau choisi numéro deux

"R. ayant été Se divertir un Soir avec quelques uns de Ses amis, lorsqu'il fut retourné Chez lui, Sa femme se prit de le quereller D'une manière épouvantable , lui dit mille duretés, lui jetta un plat plein de (s)ausse à la tête, et L'envoya à tous les Diables. Cet homme ayant Souffert patiemment une partie ces brutalités Sans y répondre Se contenta de lui dire à la fin: ma chère, ne me menaces pas tant du Diable, il ne me fera point de mal, puisque j'ai épousé Sa proche parente"

(transcription d'un extrait de registre paroissial, Magny-le-Désert, Orne, vers 1740)

mercredi 8 janvier 2014

Morceau choisi numéro un



08/01/14
Morceau choisi numéro un

"Deux Cardinaux etant venus voir le fameux peintre Durbin, ils Sattachèrent particulierement a un de ses tableaux, ou St-pierre et St-paul etoient répresentés: ap(res) (qu'ils) eurent régardé assez longtemps ce tableau, ils lui dirent (qu'il) leur avoit fait le visage trop rouge, à quoi Raphaël repon(dit) "messieurs cela ne doit point vous surprendre, car je les peints comme ils sont dans le ciel, et cette rougeur (ne) leur vient que de la honte qu'ils ont de voir pour gou(verner) L'église des Successeurs tels que vous"

(transcription d'un extrait de registre paroissial, Magny-le-Désert, Orne, vers 1740)
D'après Wikipedia: 
Raffaello Sanzio, plus connu sous le nom de Raphaël (Raffaelo), né le 6 avril 1483 à Urbino et mort le 6 avril 1520 à Rome, est un peintre et architecte italien de la Renaissance. Il est aussi appelé Raffaelo Santi, Raffaelo da Urbin, Raffaleo Sanzio da Urbino.


dimanche 5 janvier 2014

Peinture d'hiver



05/01/14
Peinture d'hiver

Il pleut.
Pour peindre nos hivers, que nous faudra-t-il?
Ouvrons les volets. Dévisageons nos matins pâles et nos ciels incolores.
Nous guetterons sans cesse, comme hier, la naissance d'un rai de lumière, annonciateur d'une improbable éclaircie. Aujourd'hui s'est levé dans une nouvelle et infinie grisaille, où nos pluies crayonnent à grands traits leurs ébauches intermittentes.
Regardons à nos pieds.
L'herbe verte s'acharne en se répétant dans des flaques d'eau continues, s'épuise le long de boues traînantes et grasses. Parfois elle dégénère dans d'imprécises taches jaune clair, ou s'oublie dans des coussins de mousses vert tendre, voire se recroqueville en tiges rudes, brunâtres et mortes.
Relevons donc les yeux, mais cachons-nous les oreilles.
Nos hivers s'habillent d'eau, mais aussi de vent. Celui-ci est un compagnon fidèle. Il s'en va et il s'en vient ... mais il est toujours là.
Le vent règne sur nos hivers comme un tyran moqueur, il s'y promène à la hâte, bousculant nos fragiles esquisses, hurlant tel un monarque fou qui jouerait à défaire nos créations imparfaites.

Tiens, il pleut.

Pour peindre nos hivers, il nous faudra du vert, du jaune, du gris, de l'eau et du vent !