13/08/13
Je passe plusieurs jours de la semaine dans un bâtiment
noirâtre, tout en verre. Un peu étrange car il possède un toit-terrasse couvert
d’herbes folles. C’est ainsi qu’on le désigne à ceux qui viennent pour la
première fois : le bâtiment noir avec des herbes sur le toit.
Malgré ses murs-panneaux de verre, il n’est pas clos comme
les buildings de La Défense. On est en Normandie, ici, on respire. L’édifice
est bas, sans air climatisé (pour quoi faire ?), la plupart des fenêtres
s’ouvrent sur les alentours : la rue, le tram, des haies de thuyas, une
pelouse.
Au rez-de-chaussée des portes-fenêtres s’ouvrent sur une
terrasse de plain-pied avec la rue : les chanceux qui habitent ces
bureaux-là peuvent s’échapper en douce pour rejoindre leur voiture en évitant
les portes officielles et l’œil de la badgeuse.
Quelqu’un profite de cette situation privilégiée pour tenter
de créer des relations avec ces pauvres humains enfermés qu’on appelle
salariés.
C’est le chat du boulot.
Il est roux et blanc, plutôt maigre, pas très beau. Il
miaule beaucoup, se frotte et se roule par terre, s’assure qu’on le regarde
au-travers des vitres lorsqu’il s’étale au sol, s’insinue dans les
portes-fenêtres ouvertes pour pénétrer dans notre univers administratif. Il
semble s’y plaire beaucoup. Parfois il s’invite dans une réunion, s’installe
sur une chaise. Il écoute. Ou il dort. Comme les participants eux-mêmes. Le
chat du boulot s’adapte très bien.
Dans les couloirs, on proteste « Ah qu’il est embêtant
ce chat ! » « Il va finir par se faire enfermer quelque part »
‘ « Il va faire des bêtises » (Grimper aux rideaux
peut-être ? Dévorer nos dossiers ? Marquer son territoire ?)
J’essaie de positiver : « Ceux qui se plaignent
des souris qui courent sous les thuyas devraient être contents. Il les fera
fuir »
Bien que chacun se défende de lui avoir donné à manger, cet
incroyable chat persiste. On le chasse, il revient.
Et le lendemain matin… le chat est toujours là.