21/7/13
Vous n’aviez jamais voulu déranger. Ce fut ainsi jusqu’à la
fin.
Certains étaient déjà en vacances, partis un peu loin mais
pas trop, bientôt sur le retour.
D’autres presque disponibles, pas encore enfuis pour oublier
leurs soucis dans des contrées étrangères.
Curieuse pensée que celle-ci, mais si juste: si vous aviez
voulu prendre rendez-vous, nous réunir une dernière fois autour de vous, nul
n’aurait trouvé plus pratique dans nos agendas saturés, si compliqués.
Il faisait chaud, enfin. Un samedi, un temps de mariage, de
robes blanches et de fêtes tardives.
Nous nous sommes retrouvés nombreux, certes.
Mais nous n’avons marié personne.
Nous t’avons accompagnée dans ton dernier voyage, Agnès.
Nous étions tristes mais pas trop, parce que nous savions
que depuis longtemps déjà, vous en aviez assez de cette vie, tellement même que
vous n’aviez plus envie d’en parler.
Votre silence disait votre lassitude.
Heureux que la paix te soit enfin accordée, mais si malheureux
de t’avoir perdue, nous avons pleuré, égarés dans nos émotions contradictoires,
parce que le chemin que tu as pris ne connaît pas de retour.
Alors nous t’avons regardée longtemps, car nous savions que
cette fois, c’était vraiment la dernière.
Ce visage, ce n’était plus vraiment vous, juste une sorte de
schéma, l’essai d’un dessinateur maladroit.
Et nous t’avons saluée, encore et encore.
Et nous t’avons remerciée. Encore et toujours, jamais assez.
Puis, à regret, nous t’avons abandonnée là-bas, auprès des
tiens.
Et nous sommes repartis, cloîtrés dans nos vies orphelines, épuisés,
le cœur gros, bouleversés, la tête bientôt encombrée de toutes ces questions qu’on
aurait dû poser avant.
Celles qui hanteront nos souvenirs et dont
nous inventerons, en secret, les réponses.