jeudi 20 juin 2013

20 juin 2013



20/6/13

Au retour de notre escapade cycliste ornaise, le neuf juin, les petits étaient nés. Deux toutes petites choses immobiles, noirâtres et mouillées.
Depuis, la tourterelle les a entourés de ses soins vigilants et discrets de mère de famille d’oiseaux. Presque toujours juchée sur le nid, son petit œil noir me fixant dès que j’osais tendre le cou pour l’apercevoir au-travers de la fenêtre, mon regard furtif vérifiant sa présence, le sien guettant mon comportement. J’ai appris à ouvrir les volets avec une infinie lenteur pour ne pas l’effaroucher, à fermer le second en me cachant derrière le premier.
Ainsi, le temps a passé, les deux petites choses ont bien grossi. Devenues duveteuses, puis plumeuses noires avec un peu de jaune, elles occupent maintenant tout le nid, si bien que la maman tourterelle ne stationne plus sur cet arrangement fragile et encombré, mais se perche sur la rambarde du balcon, dévisageant en même temps l’intérieur de notre chambre avec curiosité. Nous voilà presqu’épiés….
Mais les deux oisillons restent bien silencieux, et je profite de mes va-et-vient quotidiens de volets pour les espionner. Ils respirent avec de gros mouvements du corps, en faisant onduler leur duvet. Alors je m’esquive, d’autant qu’un roucoulement venu d’un arbre voisin signale que l’on surveille à distance tous mes faits et gestes.
Attendons la suite.

vendredi 14 juin 2013

Les pommes oubliées



14/6/13
Les pommes

Marestmontiers, le 5 mars 1913

Ma chère Madeleine,
Je crois que tu as la même clef de boîte à provisions que moi, en ce cas voudrais-tu avoir l’obligeance d’ouvrir ma boîte et de prendre les pommes de peur qu’elles pourrissent. Si elles n’étaient pas atteintes, prends-les toutes pour toi.
Voudras-tu aussi me dire la date de la rentrée après Pâques. Je compte sur toi et te remercie à l’avance.
Bons baisers de ton amie
G Vilbert

Morceau choisi : ce que l’on s’écrivait au dos d'une carte postale, voilà plus de cent ans.

mardi 11 juin 2013

Le jardin de la chapelle Saint-Roch



11/6/2013
 
Isolée dans la campagne, dissimulée dans une courbe en creux, sous couvert de quelques champs, elle se cache derrière une haie de charmille et un portillon de bois. On se glissera dans l’espace vide conservé entre la porte et le tronc du tilleul qui l’ombrage, puis on découvrira, émerveillé, devant cette minuscule chapelle blanche, un jardinet de fleurs entretenu avec soin. Pavots d’Orient d’un rouge éclatant ou d’un rose atténué et subtil, souvenir de tenture vieux-rose un peu passée, iris violets, euphorbes, ancolies pourpres, lupins et pieds d’alouette bleus et blancs rivalisent de beauté un peu fière, presqu'hautaine, avec des pivoines prêtes à s’épanouir, dans des carrés rigoureux, entourés d’une double bordure de buis taillé. Plus loin, d’autres carrés anciens encore ensauvagés promettent des roses ou masquent quelques iris bleus au milieu d’herbes folles. 
Les yeux tout clignotants de tout ce rassemblement, le nez palpitant de ce parfum de jardin de curé encore plus vrai que nature, on surprendra des abeilles protégeant deux ruches à l’arrière d’une haie, alors que, jouxtant un grand crucifix de bois, un étonnant labyrinthe anime le reste de l’enclos et joue à emprisonner le visiteur curieux.
Et l’on se promet qu’on reviendra ici surveiller la fructification des pavots, voire subtiliser quelques graines s’il en reste encore pour le promeneur jardinier, ou bien fureter sur les tiges épuisées des dauphinelles, à la recherche des chenilles blanches, noires et jaunes des machaons, qui auront peut-être réussi à les dévorer toutes entières.

jeudi 6 juin 2013

6 juin 2013



6/6/13
Hier, audition musicale et conviviale.
Morceaux choisis.

Juste avant le concert.
La petite dame aux yeux bleus, ma voisine du premier chant :
Alors tu es prête, ça va ? 
Moi : Un peu dur car j’ai des journées de travail très chargées. 
La petite dame, un peu oppressante : Allez, il faut assurer, tu chantes en premier !
Puis, grand sourire, regard circulaire autour d’elle .
La petite dame : Ah quel bonheur d’être à la retraite ! Pour autant, je n’ai le temps de rien. Je chante dans deux chorales, je joue du piano, je cours tout le temps !
Moi : Ah que je plains ces pauvres retraités !
Réponse nulle. La petite dame m’agace, alors que je suis déjà très tendue.

Plus tard, après le concert.
Je ne suis pas fière de moi. Mal chanté. Quelques erreurs. Trop stressée.
Nous contemplons l’accordéon de C.
La petite dame : Cela me fait penser à celui de mon grand-père, retrouvé dans un grenier et que l’on m’a donné. Quand je l’ai sorti de sa boîte, je l’ai placé tout de suite comme il fallait, et j’ai aussitôt joué les airs que j’avais appris toute petite, il y a tant d’années.
Moi  admirative :  Oooh bravo !

Plus tard, la petite dame : Tout de même, j’ai laissé de côté l’accordéon car avec le piano et les chorales, cela faisait beaucoup. Et il était trop lourd, celui-là. Je préférais continuer le piano. 
Moi intéressée :  Vous prenez des cours ? 
La petite dame : Oh oui, avec un professeur particulier, à B. Cela fait trente ans que je joue du piano, tous les jours. On fait des auditions, c’est stimulant. Mais il m’est arrivé parfois d’avoir un grand trou noir, comme récemment dans la Suite B de Debussy. 
Moi étonnée : Car vous jouez tout par cœur ?
La petite dame : Oui, bien sûr 
Moi époustouflée :  Quelle mémoire !
La petite dame : Ah vous savez, 15 ans de médecine !
Je m’échappe.

Au fil de la soirée, j’entendrai le récit désolant de M-A, voix de soprane d’une grande pureté, dont le mari vient de déclarer une maladie d’Alzheimer, puis celui, triste, de B, qui s’est crevé le tympan avec un coton-tige, accident stupide (en est-il d’intelligents ?). A demi-sourde, envahie de vertiges et dans l’incapacité de chanter depuis plusieurs mois.

Moi, oreille attentive et propos en miroir.
Suis-je vraiment présente ?

dimanche 2 juin 2013

Rêve d'Adonis



02/06/13

De nombreux naturalistes ne visitent guère les coins sinistres tels que ceux que je parcourais hier et préfèrent partir en quête de plantes autrefois répandues et devenues rarissimes. Bien entendu, loin de partir au hasard, ils choisissent soigneusement leur terrain d’investigation.
Peu leur importe le suivi des mauvaises herbes, c’est surtout « la coche » qui les anime, voire le plaisir de pouvoir dire haut et fort dans certains milieux que ce sont eux qui ont trouvé ou retrouvé la perle rare. La célébrité, en quelque sorte. Surtout la leur, peut-être ?
Et pourtant.
Ne suis-je pas un peu injuste ?

D., que je classais parmi ces passionnés des raretés, attirés par l’aura qui les nimbe tout en illuminant l’auteur de leur collecte, raconte son expérience du jour. A la recherche de quelques insectes pour étoffer un atlas d’entomologie, tâche certes plutôt routinière, le soleil s’est pris à bouder : D. délaisse alors les papillons et porte son attention sur un champ de colza.
Comme ça, juste en passant, pour voir.
Car on ne sait jamais.
Et il retrouve là par hasard…l’Adonis d’automne, cette jolie fleur rouge autrefois fréquente dans les moissons, maintenant absente de nos cultures agro-industrielles. En gros, une plante qui n’existe plus. Voilà une vraie trouvaille scientifique et un sacré coup de chance. 
Et il ne l’a même pas fait exprès ! Tout le monde applaudit .
Quant à moi, pour cette fois je l’envie. Voilà une découverte hors de ma portée, à moi  qui me traîne dans d’affreux espaces nauséabonds accueillant avec peine quelques plantes rudérales.
Je suis bien certaine que j’aurais pu explorer une à une chaque brindille du champ de céréales derrière le hangar de la mort, sans jamais rencontrer la moindre petite plante messicole.
Tout au plus quelques corbeaux agonisants par la méchanceté des hommes.